Ça va ?

Ça va ? « Hey, how are you ? » Cómo estás ? Ça m’a pris des années avant de comprendre qu’en Occident, il ne s’agit pas d’une question qui invite à une réponse honnête (même entre amis) mais plutôt d’une formule de politesse. Pour briser la glace sans briser le cœur. 

Dire comment tu vas –, mais vraiment, — c’est renoncer aux frontières émotionnelles entre toi et autrui. C’est confesser une certaine folie.

« Tout va bien », alors : je le dis, comme la plupart de gens le disent, tout souriant, pendant que le monde s’effondre et ils crèvent de chagrin, en ne pensant pas du tout que tout est beau, mais qu’au fond et du moins, ils ne renoncent pas à la vie. Pas encore.

Car, on ne te demande pas où tu vas ni d’où tu viens : c’est-à-dire, ton passé, ton parcours, ce qui tu amènes ici. Là, devant l’autre qui ne cherche pas à connaitre, vraiment, les écueils que la vie a parsemés sur ton chemin. L’autre ne se permet pas non plus de savoir où tu aimerais aller et ce que tu attends de l’horizon. De sa part, il n’y a rien d’égoïste : il est pratique courante d’épargner un ami de sa propre folie et on ne cherche pas la pitié. Car on a chacun nos propres calvaires à traverser et qui a le temps, sauf un psy, pour s’intéresser à nous ?

C’est la modernité : payer 100 $ pour se faire écouter pendant une heure par quelqu’un d’autre que sa grand-mère. C’est plus facile de se livrer à un inconnu, à l’anonymat, que d’ouvrir les frontières de l’esprit à ceux qui tiennent vraiment à toi. Au plein milieu de la foule, on tient à notre solitude.