Solitude dans le temps des monstres

« Suis-je gardien de mon frère ? »  C’est la question qui se pose lorsque l’on oublie sa raison d’être.  Vivre pleinement, c’est vivre en société, être entouré des autres qui nous donnent raison d’exister. C’est avoir quelqu’un à qui l’amour peut s’adresser : source de la plus grande joie et de la plus profonde déception.

Je me réveille doucement au constat que la bêtise humaine à laquelle je croyais m’être échappé me poursuit jusqu’ici. Dans un moment réfractaire d’une société froide et superficielle qui se dévoile dans toute sa vénalité, l’avenir n’inspire aucune confiance en la bonté de l’humain et encore moins de raisons pour retomber en amour du monde.

A quoi bon s’étonner si la « liberté » se mue en oppression, et que « l’unité nationale » se traduit en division et haine, au nom d’un nihilisme militant qui consiste à se découper du monde et à repousser autrui ? La question ne se pose même pas, à savoir si la vie d’un inconnu vaut autant que la sienne. C’est l’individu face au monde dont il a peur, la peur qu’il nourrit sans jamais l’assumer.

Tant d’impuissance, alors, dans les foules qui laissent libre cours aux ressentiments aveugles, mais aussi, et surtout, tant de solitude.  Les solitudes qui se dissimulent derrière les replis identitaires et les appels aux passés inventés, au pouvoir, à la force.

Il me reste la conviction intime, certes naïve, que les mots sont porteurs d’espoir, que l’amour se transmet à travers l’écriture, que les histoires qu’on raconte a pour vocation de briser les frontières, que certaines vérités universelles existent (bien qu’on les nie), et qu’elles servent de nous rappeler qu’on partage le même monde … parce que finalement, on n’est pas tout seul dans notre folie.